Le groupe Écologie – Démocratie – Solidarité vient de déposer une proposition de loi en reprenant les grandes lignes du RIP comprenant la suppression de la totalité des chasses traditionnelles et bien sûr de la chasse à courre. Plongé au cœur de la mêlée depuis plusieurs semaines, nous avons sollicité hier soir le député de l’Aude, Alain Perea, pour qu’il décrypte pour nous les enjeux politiques et cynégétiques que nous traversons actuellement.
Baudouin de Saint Leger: Alain Pérea, pourquoi le groupe Écologie – Démocratie – Solidarité a déposé selon vous cette proposition en parallèle du RIP, est-ce pour aller plus vite ou tout simplement pour relancer le débat ?
Alain Perea : Nous sommes typiquement dans de la politique politicienne. Il s’agit de laver plus vert que vert et surtout plus rapidement que les autres. Les leaders politiques écologistes se sont fait prendre de vitesse par le RIP. Ils doivent reprendre la main. Avec cette proposition de loi, ils veulent affirmer que ce sont eux qui ont amené le débat dans l’hémicycle. Le RIP plafonne, je ne pense pas qu’il puisse obtenir beaucoup plus de signataires, même s’il y en a déjà beaucoup trop selon moi. La procédure RIP devrait donc mourir de sa belle mort. Avec cette proposition de loi EDS relance le débat et surtout tend un piège terrible à la majorité à laquelle j’appartiens car quelque soit la décision que nous allons prendre nous allons nous attirer les foudres d’une partie de la population.
L’objectif n’est pas tellement qu’elle soit votée mais juste relancer le débat, mettre la majorité en difficulté et se présenter comme les champions de la cause animale!
BSL : Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs comment cette proposition de loi peut-elle être acceptée et sous quel délai ?
AP : Il semblerait que la niche EDS (la niche est le jour consacré à un groupe d’opposition afin qu’il dépose les textes qu’il souhaite) soit début octobre. Le texte sera présenté, et il y’aura alors deux options possibles :
Soit la majorité présente une motion de rejet ou de renvoi, auquel cas le texte est écarté, soit le texte est discuté puis voté avec un peu ou beaucoup de modifications. Cette deuxième hypothèse est bien sûr celle qu’il faut éviter!
Nous sommes en démocratie, aussi pour que cette proposition de loi soit adoptée il suffit juste que le jour du vote il y ait un député de plus favorable. Ensuite, il y aura le passage au Sénat et le retour à l’Assemblée mais la décision importante c’est la première lecture.
BSL : Pour un cas aussi sensible, pensez-vous que le Président de la République puisse avoir (ou non) le dernier mot ?
AP : Sur un sujet aussi sensible que celui-là, peut-on imaginer que le Président aille à l’encontre d’un vote du Parlement? Assurément non! Le vrai débat c’est dès maintenant que nous devons l’avoir entre parlementaires. Et pour cela nous avons besoin de l’aide de tous. Chaque amoureux de la chasse doit se faire connaitre auprès de son député pour attirer son attention. Pas un pas deux … mais des milliers de chasseurs doivent se mobiliser! Pas un ne doit manquer à l’appel. S’il y en a parmi vous qui pensent être à l’abri j’attire votre attention sur le titre de la proposition de loi : » Premières mesures d’interdiction… » Premières mesures, et d’autres à venir si nous n’agissons pas vite. Ce n’est pas la chasse à courre et les chasses traditionnelles, c’est toutes les chasses et bien au-delà nos modes de vie car au fond le vrai sujet est là.
La Chasse française est aujourd’hui attaquée frontalement! Toujours dans la plus grande légalité et dans le respect de tous, même si eux ne nous respectent pas, sachons montrer que la chasse à sa place dans notre pays, sachons prendre notre destin en main! Il est l’heure.
BSL : Quel est selon vous le pourcentage de chance pour que cette proposition puisse voir le jour ?
AP : C’est très aléatoire, mais une chose est sûre, le match est très loin d’être gagné pour nous. Par ailleurs, je pense que chacun a compris aujourd’hui que la chasse va être de plus en plus attaquée. Certains voudraient rejeter la faute sur le Président de la République, alors qu’il a accompagné une des plus belles réformes de la chasse. A l’inverse, les anti-chasses veulent faire de la condition animale un des enjeux de toutes les futures élections locales ou nationales. Si nous ne sommes pas capables de nous mobiliser à tous les étages, les élus finiront par lâcher. Si ce n’est pas cette génération c’est la prochaine. La balle est dans le camp du monde de la chasse.
Saurons-nous nous défendre et au-delà montrer ce que nous sommes, partout en France?
BSL : Au-delà de l’aspect pratique, quel est votre ressenti sur ce que les chasseurs, pêcheurs, agriculteurs et autres utilisateurs de la nature vivent en ce moment ?
AP : Je suis un rural, mais plus que ça, je suis un amoureux des gens. J’aime découvrir les coutumes en France et à l’étranger. Je suis ému devant une danse traditionnelle, je vis au cœur d’un fête locale, je vibre quand un agriculteur me fait partager ses produits. Je crois que le plus grand défaut des chasseurs c’est justement d’avoir du cœur face à des personnes qui prétendent aimer les animaux mais n’aiment pas les gens. J’ai constaté que beaucoup d’entre eux disent aimer la nature parce qu’ils ont un problème avec leur nature à eux!
Nous devons reprendre les choses en main, mais pour cela nous devons être unis. Je regrette de ne pas voir plus les pêcheurs avec nous, et surtout les agriculteurs. Nous avons besoin de toutes les forces! Disons Stop avec calme, mais fermeté.
BSL : Ne pensez-vous pas qu’après la crise des gilets jaunes, un mouvement rural « orange » puisse bloquer à terme le pays, quel est votre message envers les ruraux ?
AP : Cela serait la pire des choses à faire. Les chasseurs ne doivent être à la remorque de rien. Je ne vois pas en quoi, pour défendre la chasse je deviendrai un gilet jaune dénaturé!
Ce n’est pas en cassant ou en menaçant que nous serons écoutés. Ce n’est pas non plus en faisant du chantage aux votes, « si vous ne faites pas ça ou ça on ne votera pas pour vous ». Nous en recevons des dizaines par mois sur des sujets variés et souvent avec des injonctions opposées ». A cela je préfère d’abord le dialogue car je peux garantir qu’une très grande majorité des parlementaires sont ouverts au dialogue sur le sujet… Il faut expliquer, montrer, donner envie.
Ensuite, je défends l’idée que nous ayons des actions symboliques à Paris où sont les médias et dans les territoires pour montrer que nous sommes présents partout et mobilisés. A montrer un gilet jaune, je préfère venir avec nos plus fidèles compagnons, nos chiens dans une manifestation pacifique! Imaginez des milliers de chasseurs avec nos chiens dans un cortège ouvert par les chevaux des veneurs rythmé au son des cors. Franchement pas besoin de gilets jaunes! Mais sommes-nous capables de le faire? Le défi est devant nous.
Le message aux ruraux est complexe à faire passer car nous vivons de véritables agressions sans avoir rien demandé excepté qu’on nous laisse tranquille.
BSL : Le Président Macron a été « contraint » de suspendre les quotas pour la chasse à la glue. Réussira-t-il à à sauver les chasses traditionnelles et notamment la chasse à courre au cours de son mandat ?
AP : Je n’étais pas dans la totalité des discussions, cela serait mentir que d’affirmer ceci ou cela! Par contre je puis garantir que le Président de la République est et reste profondément attaché à la chasse parce qu’elle n’est pas la ruralité mais elle est un élément majeur de nos ruralités. Notre mission à nous « chasseurs » est de montrer au Président de la République mais aussi à tous les élus que nous sommes effectivement des acteurs incontournables de la vie de nos campagnes. Encore une fois, ce n’est pas le Président de la République, ni d’ailleurs le Président du Sénat, qui je le sais est un grand chasseur et encore moins Alain Perea qui vont sauver la chasse à courre: ce sont tous les chasseurs !