Pour nous, la gestion adaptative des espèces est un des piliers du développement durable de la chasse au même titre que la préservation ou, si l’on intègre les constats scientifiques actuels, c’est  de préserver en premier lieu ce qu’il reste de biodiversité et ensuite reconstituer celle que l’on a perdu. Adapter les prélèvements des espèces chassables à la dynamique de la population est bien évidemment la base de la gestion adaptative. Bécassiers de France (BDF) au travers d’une nouvelle motion appelée “Motion de Grenoble” a pris acte en 2018 de cette démarche et a souhaité une adaptation des prélèvements en fonction de l’âge ratio constaté, dans l’idéal sur les zones de reproduction et à défaut par les premiers prélèvements à la chasse, et sa comparaison à la normale des dix dernières années.

Un petit rappel : depuis sa création, BDF a souhaité « pour la bécasse » un PMA National avec un chiffre annuel unique sur l’ensemble du territoire (30 oiseaux par an) avec possibilités aux fédérations qui le souhaitent de le décliner suivant les nécessités locales (PMA journalier ou autres). Accompagnant ce PMA, BDF a préconisé et obtenu un carnet de prélèvement unique par chasseur, valable sur l’ensemble du territoire avec des dispositifs de marquage, ce carnet devant être renvoyé à la fédération d’origine. Comme nous le demandions le marquage obligatoire a été aussi instauré. Chaque chasseur doit inscrire les dates de toutes ses captures de bécasses réalisées dans la limite des 30 autorisées quel qu’en soit le lieu, sur tout le territoire métropolitain.

Le carnet de prélèvement est nominatif et comprend des dispositifs de marquage numérotés à placer sur une patte de chaque oiseau prélevé de façon inamovible sur les lieux mêmes du prélèvement.

Tout prélèvement, tout transport ou détention de bécasses est interdit en l’absence de carnet  renseigné et de marquage.

Et pour finir toujours  avec les demandes originelles de BDF, la fixation d’un prélèvement par jour et/ou par semaine peut se faire au niveau départemental via les Fédération Départementales des Chasseurs (FDC).

Cet outil de gestion des prélèvements permet aux fédérations qui le souhaitent de conduire des études de suivi des prélèvements en lien (ou non) avec le réseau bécasse et de l’ONCFS.  Ces études permettent de connaître la répartition des prélèvements dans le temps, au plus près des territoires et de leur statut particulier par rapport à la reproduction et à la migration de la bécasse des bois (zone de nidification, de transit ou terminus migratoire).

Dans sa version actuelle, et telle qu’elle a été présentée, l’application ChassAdapt a été conçue pour les chasseurs afin qu’ils enregistrent leurs prélèvements en temps réel sur leur smartphone, qu’ils suivent les quotas nationaux, et qu’ils puissent avoir connaissance de leur historique de prélèvement. ChassAdapt est disponible dès à présent sur les magasins d’applications (Google Play et App Store) des smartphones. Il est annoncé que, dès la prochaine saison 2019-2020, cette application doit remplacer progressivement les carnets papiers et languettes/bagues obligatoires, en commençant par le carnet Bécasse.  Très bien, chez BDF , nous ne sommes pas opposés aux évolutions technologiques et à la modernité mais, dans le cas précis de la réforme de la chasse, nous nous posons de nombreuses questions essentielles sur le fondement de ce nouvel outil. 
Aujourd’hui, nous devons constater que ChassAdapt est gérée et promue à l’échelon national alors qu’actuellement toutes les décisions légales (adaptation du PMA, de fermeture anticipée, de date et jours d’ouverture) sont prises, par la préfecture, à l’échelon départemental sur proposition de la Fédération des Chasseurs du département . Rien ne nous dit que les informations compilées par ChassAdapt vont redescendre vers les fédérations pour qu’elles puissent garder leur pouvoir local de proposition et donc de décision.  

Nos questions :

1. Passe-t-on d’un modèle départemental à un modèle national ?

2. L’absence de marquage individuel des bécasses prélevées supprime de facto le PMA?

3. L’application n’est disponible que dans les environnements Android ou Apple. Que se passe-t-il pour les utilisateurs de smartphone sous Windows ou pour ceux qui n’ont pas de smartphone ? Ils chassent la bécasse  sans restriction?

4. Qui gère et exploite les données de terrain collectées par les chasseurs ? De fait, elles ne remontent plus aux fédérations départementales auxquelles elles devraient appartenir.

5. N’assistons nous pas ici à une remise en question des suivis effectués par les techniciens des fédérations impliquées dans le réseau ?

6. Que devient le réseau bécasse (et au passage le remarquable travail fait par Yves Ferrand et Francois Gossman) dans un contexte où la bécasse n’est pas forcément un oiseau préoccupant ?

7. Par qui vont être prises les décisions ? en clair qu’elle sera l’autorité de tutelle qui va actionner les éventuels freins ?

8. Qui fixe scientifiquement le quota d’oiseaux ?

Si c’est l’OFB ne risquons-nous pas de voir ici potentiellement des antis-chasses piloter l’organisation des prélèvements de la chasse Française. Car un outil national centralisé avec un quota associé devient un formidable levier pour appliquer une restriction stricte si le ministère (qui décide des quotas) impose un jour  une réduction drastique.

9. Comment, avec une gestion nationale, intègre-t-on les règles de gestion départementales (nombre d’oiseaux par jour et/ou par semaine) qui sont parmi les  points fondamentaux de la politique préconisée par BDF car on ne chasse pas la bécasse de la même façon (ni avec les mêmes contraintes) dans les Pyrénées et en Bretagne… c’est d’ailleurs ce type d’argument (étayé par les données de terrain associées au nombre d’oiseau rencontré) qui a empêché à l’époque  le déploiement d’un “PMA pour tous” du type Breton: 3 oiseaux par jour et 3 par semaine.

10. Est-ce que ChasseAdapt s’impose obligatoirement à un chasseur qui chasse aussi les oies et n’a donc pas le choix et se voit de fait refuser un carnet papier?

11. Quid du piratage par des personnes mal intentionnées qui enregistreraient des oiseaux dans le système pour empêcher les prélèvements.

Notre position par rapport à Chassadapt sera donc forcément dépendante des réponses à ces questions et préoccupations.  En attendant nous vous demandons pour la bécasse de garder légalement le carnet de prélèvement avec dispositif de marquage.

BDF communique auprès de ses adhérents en leur recommandant de ne pas utiliser ChassAdapt en l’état et de systématiquement demander un carnet de prélèvement au format standard tant que tous ces points ne sont pas éclaircis.

4 réponses pour “La gestion adaptative”

  • Le factuel reste et restera notre meilleure défense à l’anti-chasse.
    Je profite de cette tribune pour rebondir sur les réactions de certains (hors Bécassiers de France) face à notre refus de Chassadapt. En clair, il y aurait les modernes (eux) et ceux qui sont rétifs aux technologies modernes (nous) ! Sur l’aspect, à titre personnel, je suis dans le déploiement de systèmes d’informations depuis presque 40 ans. Et le nombre de personnes rétives aux changements que j’ai rencontrées qui utilisent désormais tous les jours les outils modernes de communication dépassent amplement le nombre de bécasses que j’ai levé cette saison.
    Ce n’est pas contre l’outil Chassadapt que nous sommes, mais contre sa finalité en l’état.
    En effet, à ce jour, faute de réponses à nos interrogations sur cet outil de la part de la FNC, on peut dire que Bécassiers de France ne porte pas ce dispositif comme une avancée pour la gestion de l’espèce, alors que… en 2015, avec l’aide du Président André Douard, Président de la FDC 35, nous avons été à l’initiative du Congrès National Bécasse, et lors des divers ateliers, on a même proposé qu’un jour on puisse utiliser un smartphone pour marquer nos prélèvements.

    Par contre…
    1) Il faut garder les dispositifs de marquages pour qu’il y ait un lien entre la bécasse marquée dans l’application et la bécasse dans le cahier du chasseur ; en effet, le carnet bécasse est un outil de gestion et de contrôle comme nous l’avions voulu lors des tables rondes qui ont abouti à la mise en place du “PMA Bécasse”.
    Pascal Repiton

    • Tout a fait d’accord avec vous . Pour la saison 2020 / 2021 je demanderais toujours mon carnet de prélèvement si on veut bien nous le donner .

      • Et moi de même , tant que je pourrais chasser la bécasse , je demanderais le carnet papier !
        Perso , je pense qu’encore trop souvent la bécasse est pour de nombreuses instances de la chasse , un oiseau de poche et donc encore de peu d’intérêt de gestion . Pour le moment le C.P papier est un excellent outil .

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