Un article de Novethic

Publié le 02 septembre 2020

Article original ici

Jamais nous n’aurons autant entendu parler de chasse. L’été a été ponctué de rencontres, de tribunes, de menaces de manifestations et de bad buzz sur les réseaux sociaux. Finalement, l’Élysée est resté au milieu du guet en interdisant d’une main la chasse à la glu, mais en autorisant de l’autre la chasse de 18 000 tourterelles, espèce menacée d’extinction. Pour les défenseurs de l’environnement, la pratique ne peut plus se justifier face à l’urgence de la protection de la biodiversité.

Un sujet aura particulièrement marqué notre été : celui de la chasse. La nouvelle campagne de recrutement des chasseurs, avec des vidéos au ton parfois douteux, a fait le buzz sur les réseaux. De même que la préface polémique du livre de Willy Schraen, Président de la Fédération nationale de chasse, par l’actuel ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, qui y dénonce les “ayatollahs de l’écologie”. Le point d’orgue a eu lieu la semaine dernière avec la décision très attendue de suspendre pour un an la chasse à la glu, alors que la France est le dernier pays au sein de l’Union européenne à la pratiquer.

“Les chasseurs ne peuvent pas comprendre que cette pratique soit sacrifiée au nom d’un affichage politique ‘vert’, sans fondement réel pour qui se préoccupe réellement de biodiversité au sein des territoires, comme nous le faisons au quotidien !” a réagi Willy Schraen dans un communiqué (1). Mais c’est justement sur le terrain de la biodiversité que la chasse, troisième loisir français derrière le foot et la pêche avec environ un million d’adeptes, constitue de plus en plus un sujet de crispation face aux questions de biodiversité et de bien-être animal.

“Un carnage”

Au total, 90 espèces sont chassables en France dont 64 espèces d’oiseaux, “contre 20 à 30 en moyenne dans le reste de l’Europe” précise Allain Bougrain-Dubourg. Parmi elles, “une vingtaine figurent dans la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) et sont à l’agonie, telles que les tourterelles des bois, les barges à queue noire, les grands tétras ou encore les courlis cendrés”, alerte le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). À chaque saison, l’association multiplie les recours devant le Conseil d’État ou la Cour européenne de justice.

“La chasse de loisirs ne peut pas être compatible avec la protection de la biodiversité”, assure Pierre Rigaux, expert naturaliste. “C’est objectivement un carnage car les chasseurs n’ont pas de formation au tir et le comptage des animaux tués est loin d’être systématique, à tel point qu’on ne peut l’estimer qu’au travers d’enquêtes ponctuelles réalisées certaines années par l’OFB (Office français de la biodiversité”, ajoute-t-il. Selon ses calculs, sur les 20 millions d’animaux qui seraient tués chaque année, les trois-quarts seraient sauvages, le quart restant provenant d’élevages de gibiers. Mais si on y ajoute les animaux blessés ou non retrouvés, le chiffre doublerait au moins.

Manque d’études sur les impacts de la chasse

“Les chasseurs ne représentent certes qu’un facteur parmi beaucoup d’autres expliquant le déclin de la biodiversité, mais c’est l’un des seuls leviers qu’on peut activer”, estime Frédéric Jiguet, ornithologue et biologiste de la conservation. En tant que membre du comité d’experts sur la gestion adaptative des espèces (Céga) et du Conseil national de la chasse et la faune sauvage (CNCFS), il dénonce à la fois le poids démesuré des représentants de la chasse dans ces instances consultatives, la faiblesse des moyens mis en œuvre pour faire respecter les arrêtés et le manque d’études scientifiques sur les impacts de la chasse.

“Pour la tourterelle des bois, nous avions conseillé de porter le quota à zéro pour avoir une chance sur deux de stabiliser les populations, mais c’est le seuil de 18 000 (animaux tuables) qui a finalement été retenu”, déplore le scientifique. “Outre les espèces menacées, on peut aussi s’interroger sur la pertinence de chasser les espèces dites nuisibles. Pour les sangliers, on pourrait par exemple arrêter de les agrainer (appâter les animaux avec du grain, ndr), ce qui favorise leur multiplication. Pour les renards, deux études montrent qu’en les chassant, on ne fait pas baisser leur nombre et pire encore, on les disperse davantage sur le territoire. De même pour les blaireaux, la vaccination apparaît plus efficace. Souvent, des alternatives existent mais elles ne sont pas évaluées.”

S’ils peinent à convaincre l’opinion publique, à en croire les récents sondages, les chasseurs semblent en revanche avoir l’oreille du Président et plus généralement des politiques et des élus. À leur crédit, ils font désormais figurer des actions de protection de la nature telles que la plantation des haies ou l’entretien de mares pour lesquelles ils se voient verser des subventions publiques, parfois au détriment des associations environnementales. De quoi attiser encore un peu les tensions entre ces deux mondes plus que jamais à l’affût.

Un commentaire sur “Chasseurs contre protecteurs de la nature : le débat de l’été fait long feu”

  • Ce qui est intéressant dans cet article c’est ce que Frédéric Jiguet est membre du comité d’experts sur la gestion adaptative des espèces (Céga) et du Conseil national de la chasse et la faune sauvage (CNCFS ). Ce qui veut dire que ce monsieur membre de la LPO participe activement aux définitions de quotas de Chasse.

    Cette personne de plus dit “Les chasseurs ne représentent certes qu’un facteur parmi beaucoup d’autres expliquant le déclin de la biodiversité, mais c’est l’un des seuls leviers qu’on peut activer”, estime Frédéric Jiguet, En clair on ne peut rien contre les pesticides, destruction de forets, constructions anarchiques… mais les chasseurs eux on peut taper dessus.

    En gras dans l’article on a mis en évidence ce qui énerve les opposant à la chasse..

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