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Aux élections européennes de 2019, les animalistes avaient tiré leur épingle du jeu. Deux ans plus tard, ce sont les chasseurs que les candidats s’arrachent pour les régionales.
Qui pèse le plus ? Analyse avec les politologues Jérôme Fourquet et Stéphane Rozès.
Les chasseurs ramènent-ils tant d’électeurs ? On pourrait le penser au vu des promesses qui leur sont faites et des efforts des têtes de liste aux élections régionales pour les attirer dans leurs filets. Dans le camp d’en face, les animalistes se font plus discrets cette fois-ci. En 2019, pourtant, le parti éponyme, fondé en 2016, récoltait 500 000 voix. Comment expliquer cette asymétrie ? Qui pèse finalement le plus avant la présidentielle de 2022 ? Éclairage avec deux politologues : Jérôme Fourquet, auteur de L’archipel français et directeur du département « opinion et stratégies d’entreprise » de l’institut de sondages IFOP, et Stéphane Rozès, président de CAP (Conseils, analyses et perspectives).
Ancrage local : les chasseurs mieux implantés
Pour les élections régionales de juin 2021, le parti animaliste ne sera présent que dans deux régions. En Île-de-France, allié à la France Insoumise, et en Nouvelle-Aquitaine avec Europe Écologie Les Verts (EELV). De leur côté, les chasseurs se sont assurés d’une plus grande influence. En Nouvelle-Aquitaine, le président socialiste sortant Alain Rousset a obtenu le soutien explicite de plusieurs fédérations de chasse. En Occitanie, le maire de Saint-Brès (Hérault) et figure de la discipline, Laurent Jaoul, a rejoint la liste des Républicains. De son côté, Xavier Bertrand, le candidat sortant des Hauts de France, prévoit d’inscrire les chasses traditionnelles au patrimoine mondial de l’Unesco. Des prises de guerre étayées par nos confrères du Parisien ce lundi 24 mai.
Pour Stéphane Rozès, président de la société de conseil Cap (Conseils, analyses et perspectives) les élections régionales apparaissent comme « plus ancrées dans les territoires que les européennes ». À ce jeu, les chasseurs, qui se présentent comme des défenseurs du territoire, partent avec une longueur d’avance.
Organisation : les chasseurs mieux fédérés
L’ancrage territorial n’explique pas tout : il y a aussi le réseau. Pour le politologue Jérôme Fourquet, les chasseurs sont « plus organisés que les animalistes de par leurs fédérations et organisations communales qui sont un fin maillage du territoire ». Un maillage aux antipodes des animalistes qui forment « un univers aux contours assez flou ». Pour un homme politique, il est donc « plus facile de dealer lorsqu’en face, on dispose d’une structure et d’un interlocuteur défini ».
Mais si les candidats font les yeux doux aux chasseurs, cela relève aussi d’un pragmatisme électoral. « Nous sommes sur des scrutins de plus en plus abstentionnistes : or, l’abstention renforce l’importance stratégique des groupes d’intérêts organisés » poursuit Jérôme Fourquet. Rappelons qu’en France, un peu plus d’un million de personnes dispose d’un permis de chasse. « Si draguer les chasseurs permet de faire tomber 10 000 voix, ce n’est pas négligeable pour des élections pareilles. »
Revendications : plus faciles à satisfaire pour les chasseurs
Le lobby de la chasse, plutôt rural, cherche à peser sur les politiques pour conserver certaines pratiques traditionnelles comme la chasse à courre. En face, les animalistes défendent des options souvent contraires, en rupture avec une partie des coutumes locales : interdiction des cirques, des expériences sur les animaux ainsi que des lois accordant des droits à certaines espèces. Pour un candidat, il reste « plus facile de draguer les chasseurs en leur proposant des têtes de liste, couplé avec des promesses de subventions ou certaines pratiques accordées aux territoires » juge Jérôme Fourquet.
D’autant que les animalistes semblent plus difficiles à cerner : « Il s’agit de gens assez peu politisés, pour lesquels les animaux de compagnie occupent une place importante » affirme le Jérôme Fourquet. Pour lui, ces électeurs demeurent loin du cliché de l’écolo parisien déconnecté mais ressemblent plutôt à des « périurbains, venant de zones pavillonnaires dotées d’animaux de compagnie ».
Gauche/droite : les animalistes moins clivants que les chasseurs
En avril dernier, Hélène Thouy, cofondatrice du Parti animaliste, décrivait à Marianne son mouvement comme « transpartisan ». Les alliances du mouvement ne se basent pas sur une politique générale mais bien « sur des engagements précis en faveur de la cause animale ». Ainsi, son parti s’est déjà allié « avec des municipalités de droite comme de gauche qui présentaient des engagements similaires ». Précisément, aux dernières municipales de 2020, le parti s’est uni avec La France Insoumise à Orléans aux élections de 2020 ou avec le maire UDI de Fontenay aux Roses (Hauts-de-Seine).
Contrairement aux idées reçues, les chasseurs sont autant courtisés à droite qu’à gauche… mais jamais par la gauche radicale. Sur ce point, les animalistes semblent davantage tout-terrain. Jusqu’à l’extrême droite ? Pas pour le moment. Mais Marine Le Pen, qui aime publier des photos de chats sur les réseaux sociaux, pourrait être tentée de draguer chez eux.