POLITIQUE – Le défaut des chasseurs? Être trop discrets, à en croire Willy Schraen, leur principal représentant. Depuis plusieurs mois, le président de la Fédération nationale s’attache donc à redonner à ses ouailles et à leurs pratiques, la visibilité qu’ils méritent à ses yeux.
Il profite par exemple de l’été pour avancer ses pions sur la chasse à la glu en se posant en premier défenseur du monde rural contre les “terroristes de la cause animale”, ses ennemis. Tout un programme détaillé dans son livre “Un chasseur en campagne” préfacé au passage par Éric Dupond-Moretti. Un essai dans lequel Willy Schraen se vante notamment d’être l’un des principaux artisans de la baisse du permis de chasse accordée par Emmanuel Macron au cours de l’été 2018.
Car force est de constater que pour des gens discrets, les représentants de chasseurs s’en sortent plutôt bien dans leurs négociations avec l’exécutif. À tel point que certains dans la majorité commencent à s’émouvoir de cette position de force qu’ils estiment contraire aux aspirations des citoyens en matière de condition animale. “La société est mûre sur ces questions-là”, nous ont expliqué en coeur plusieurs parlementaires de la majorité engagés sur ce thème.
“La démocratie toute entière souffre”
Au total, ils sont 49 députés au sein de La République en marche à avoir signé le référendum d’initiative partagée (RIP) contre la maltraitance animale. De quoi rendre furieux Willy Schraen qui voit en cet outil les marques de “l’écologie de l’inquisition.” Pour lui, les parlementaires signataires n’ont pas d’autres choix que de “rendre leur mandat.” Rien que ça.
“Terroristes de la cause animale”, “ayatollahs de l’écologie”, “nouveaux combattants verts”… autant de mots, lâchés au JDD, qui sont aujourd’hui vécus comme des “pressions” inacceptables par certains élus.
“L’interview de Willy Schraen pose un grave problème”, a notamment réagi le vice-président de l’Assemblée Hugues Renson quelques heures après la parution de l’article. Celui qui a crée un courant interne à la République en marche, avec Barbara Pompili notamment, fustige sur Twitter les “pressions” exercées par ce lobby: “il prétend faire la pluie et le beau temps, juge les ministres et enjoint les parlementaires de se soumettre ou se démettre. Quand un système politique subit de telles pressions, c’est la democratie toute entière qui souffre.”
Un sentiment que partage la députée LREM Samantha Cazebonne. Contactée par Le HuffPost, elle “regrette que ceux qui portent certains principes comme la défense du vivant et ceux qui défendent des traditions qui ne sont pas les (siennes) ne soient pas considérés avec la même valeur.”
“Du lobbying à deux balles”
“Quand on sort en famille le dimanche et que je suis obligée de demander à mes filles de ne pas aller à plus de vingt mètres parce que j’entends des bruits de balles, je me dis qu’il y a une certaine légitimité à ce que les 90% de Français qui ne chassent pas puissent se faire entendre”, fait-elle valoir au HuffPost, expliquant au passage que c’est sa position d’élue des Français de l’étranger -et donc rattachée à aucun territoire- qui lui permet de parler librement.
Car il faut dire que s’en prendre à la chasse peut coûter cher sur le plan électoral. La députée Anne-Laurence Petel en a fait l’expérience. “J’ai signé une tribune pour mettre fin aux chasses traditionnelles comme le déterrage des blaireaux ou la chasse à glu un mois avant les élections municipales auxquelles je candidatais”, nous raconte la députée des Bouches-du-Rhône -un département où se pratique ce genre de loisirs- avant de souffler: “Eh bien je sais que j’ai perdu des voix.”
Mais comme elle, nombreux sont les marcheurs à ne pas vouloir s’asseoir sur leurs convictions. Élu des Yvelines, Didier Baichère demande à Willy Schaen de cesser “son lobbyisme à deux balles”, estimant que la majorité aurait tort de passer à côté de ce débat. Ce que ne peut qu’attester Loïc Dombreval, le président du groupe d’étude parlementaire “Condition Animale.”
“Je trouve ça choquant”, siffle le député marcheur au HuffPost en référence à la réunion estivale entre les services du Premier ministre et des représentants des chasseurs, ajoutant avec retenue: “je ne peux pas vous dire que je trouve ça positif pour l’image du gouvernement.”
Gouvernement englué…
Et cette sensibilité, accrue chez les macronistes, a de quoi mettre la pression sur l’exécutif qui semble, selon les dires des associations de chasseur, enclin à réautoriser la chasse à glu. Symbole parmi les symboles d’une pratique “barbare”, “cruelle”, “archaïque”, “d’un autre temps” ou “violente”, selon les différents mots employés par ces élus de la majorité.
Précisant tous qu’ils ne sont pas “anti-chasseurs”, ces responsables sont unanimes: la société est prête, mieux, elle réclame un débat sur les différents sujets touchant au bien-être animal.
“Les Français sont très attachés à cette question. Et je crois que les députés ont réussi à s’emparer du sujet, à interpeller le gouvernement qui n’avait pas forcément mis ce thème à l’agenda il y a quelques mois”, se félicite Laurianne Rossi, députée des Hauts-de-Seine. Même satisfaction pour la porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée. Laëtitia Avia parle au HuffPost “d’un thème important pour les Français”:” c’est un sujet sociétal que j’entends monter depuis trois ans et sur lequel on ne peut plus faire l’impasse.”
…majorité animée?
Symbole de cette appétence: le groupe LREM a déposé deux propositions de loi différentes au cours de l’été visant notamment à protéger davantage les animaux domestiques ou à interdire les animaux sauvages dans les cirques. “Ces débats ne sont pas une lubie de député. Il faut que les élus écoutent davantage ce que veulent les Français”, nous explique encore le parlementaire-vétérinaire Loïc Dombreval, porteur d’une des deux lois.
“Qu’il y ait des résistances au sein de mon groupe c’est une évidence. Mais on se doit de faire avancer les choses. J’aurais l’impression de ne pas voir rempli pleinement mon mandat si on passait à côté de ces questions”, ajoute de son côté la députée Cazebonne, avant de lancer, dans une forme d’avertissement: “nous avons beaucoup attendu, nous avons beaucoup cru que les choses allaient venir naturellement. Si ce n’est pas le cas, il faut les revendiquer plus fort.”
Et le temps presse pour les défenseurs de la cause animale, à 600 jours de la fin du quinquennat. “J’espère qu’on pourra au moins faire passer une des deux lois”, souffle Anne-Laurence Petel. Au risque de créer de nouvelles bisbilles dans la majorité? C’est déjà à cause de renoncements (entre autres) sur ces thèmes-là que Nicolas Hulot avait claqué la porte du gouvernement en dénonçant le poids du lobby de la chasse. Décidément, on a déjà vu plus discret.